Séquentialités/Cahier 1 | Livre d'artiste
Séquentialités/Cahier 1 | Vingt-quatre petits poèmes
Se mettent en branle : une respiration ; un pas perdu dans le suivant ; une paraphrase qui découle d’elle-même sans logique, mais authentique ; une multiplication asexuée de périsprits ; un épanchement reconnu tantôt comme itinéraire, tantôt comme égarement ; hic et nunc, l’abolition des réminiscences abusives, et la prégnation d’un fleuve sans berge ; l’abandon aux flux et aux fièvres, sans avoir ni à espérer ni à désespérer ; la déstructuration des épiceries anciennes et des chapeaux de cuir ; la tentation d’un mythe à renouveler par nécessité ou par inadvertance ; l’immensurable fable du métier de soi
Pour ce moment de grâce, il faut lutter longtemps contre : le fléau de l’oisiveté dans le monde ; le blanchiment des insalubrités frauduleuses ; la délocalisation non justifiée des marchands de sommeil ; le coudoiement de quidams aux irrépressibles instincts; cette manie puérile de confesser bêtes et choses ; le refus de participer à d’interminables protocoles ; le mépris de l’ordre établi ; la délicatesse étroite des greffiers besogneux ; l’affectivité des vétérans qui oscille entre présomption et lâcheté ; la réclamation légitime du nouveau converti à l’haptonomie ; l’indignation feinte d’un trop petit nombre de trop.
L’écriture comme élastique c’est : tête basse, reconnaître l’aménité de l’autre côté plage ; sucer sans vergogne un doigt de chlorophylle aux abords des haies de feuillus ; rejoindre une thébaïde, et rire des malséances du genre humain ; s’interroger sur la labilité des pôles, et se gratter le genou gauche ; ne pas hésiter entre les incunables fuligineux, et l’enfances attardée ; ne pas confondre l’excellence d’autrefois et les sondes œsophagiennes ; domestiquer le démon des hypothèses sans renoncer aux joies tempérées ; se présenter comme le fils fougueux du big bang, derechef sans crânerie aucune.
Rechercher l’ascèse accablante c’est : finir le blanc du poulet, et récriminer la cérémonie désuète des corridas ; fustiger l’impéritie des anciens, et cesser de nommer les bêtes comme des meubles ; aussi, regarder jusqu’à l’oubli dans les yeux des grands singes ; effleurer des épaules imaginaires puis réprouver ces outrances invalides ; tangenter des ronciers logomachiques, et y entendre des insectes exaucer les vœux d’autres insectes ; palpiter d’émois interstitiels, et non d’idéologies de contrebande ; ployer l’échine devant l’occurrence, et moquer les idolâtres du mérite ; s’abreuver aux sudations de la sérendipité.
Contrebalancer activement l’acharnement du fatum c’est : euphémiser la mordacité du personnel quand les prurits promettent les chairs au supplice de la desquamation ; perpétuer la posture verticale pour la sublimité du geste et l’affirmation esthétique ; pourfendre les appétences inopportunes sans pour autant devenir pusillanime ; convoiter la compagnie des félins, et concomitamment rêver de grands sages à crinière ; susciter mille agencements palliatifs avec le public, et concourir à la félicité ; dissocier l’impératif des desseins exacerbés, et l’équation des conjectures ; dormir comme un nourrisson.
Avant tout : ne pas se fourvoyer en expédients cathartiques ni s’infliger l’imploration de trop ; se raidir sur la pointe des pieds, et prophétiser la chute de l’ultime haut fourneau ; balbutier des syntaxes dévoyées à la nuque de propagateurs serviles ; leurrer les détracteurs, et sourire benoîtement jusqu’à l’anamorphose ; demeurer toujours du côté de la pudicité, et bannir les zélateurs ; prohiber la stupéfaction métaphysique, et les prothèses de tout poil ; laisser choir le béret dans la rigole où rampent déjà les obséquieux, le produit intérieur brut, et les épidermes d’anciennes égéries.
Auparavant ; faire des pas de fourmi, et recenser les tortues de passage ; planifier la dissidence des indigents, et exhorter les pleutres captifs à coopérer ; ostraciser les néoruraux pour leurs sollicitudes agrestes, et brocarder l’allégeance des énergumènes versatiles ; promouvoir les schismes, et déclarer le concept de giron coupable et fallacieux ; s’adonner, amnésique, à la tectonique des plaques ; si nécessaire apparaître pour être choyé mais s’effacer avant l’inimitié ; invoquer le droit à l’oubli, un grand goût pour les activités occupationnelles et les clauses de non-concurrence avec le règne du vivant.
Au loin : une farandole de bonshommes sourd d’une patrie de racines, têtes au vent en grappes de suricates, les cuistres prétendent enseigner les congruences, et ainsi inciter à la détestation ; ils font litière des suppliques, rien n’amadoue ces soudards fleurant la bergamote ; aucune déité miséricordieuse et longanime n’extrait de la calamité, aucun animal ne protège l’humanité de l’extinction ; ici, une causerie avec une fumeuse donne le sentiment d’embrasser un autocar, là, l’abolition de l’empathie rend inaudibles les affres des victimes collatérales, au-delà, la danse trépigne le fruit vitaminé des entrailles.
En marge : des mots pour persifler et des couleurs pour augurer ; un prédicateur patoise sur l’eschatologie, et compose le panégyrique d’un mage thaumaturge ; puis, le même, parangon de parcimonie, gourmande le manant pour son oniomanie ; un chef des phrases joue à la marelle de tête en tête de nain, puis argue mille préjugés d’un ouï-dire sur l’épigone d’ici-bas, trop velléitaire et trop casanier ; ici, un androgyne pantelle sur une croix, un autre trace un labyrinthe sur un front d’enfant, là, une hyène glabre se gorge du gras d’un obèse, une autre s’époumone en clabaudages ; hors de portée, les mots sonnent l’hallali.
À l’actif, l’injonction réitérée de creuser sous la cagoule, y trouver : un oligophrène en mode avion, et le biotope correspondant ; la concordance forcée d’illustres amateurs de paysage, et de salvatrices neutralités pataphysiques ; l’indicible théâtre des tautologies et des écocides non référencés ; l’alignement de rares photophores, mais documentés, et d’estimables artefacts issus d’un cabinet de curiosités ; le frisson humecté des désœuvrements ignominieux, signe d’un grand relâchement des mœurs et de la vacuité comme salaire ; le propos d’un lettré primesautier dans l’assertion : « Qu’elle est aisée, la cataphore ! »
Excellemment : être un enfant polymathe, et rédiger des statistiques salutaires à l’encre sympathique ; subodorer dans l’œil torve de la poule coup-nu la réincarnation tantôt de l’assistante sociale, tantôt de la douane volante ; vivre exactement entre deux guerres économiques ; côtoyer en musique les vicissitudes des migrations, et les chuchotements d’un monde inédit ; inculper le cailloutage des cœurs et les callosités du putamen ; se repaître de polyphonies instrumentales, et vaquer impavidement à la scrutation des dilections ; payer de brimborions coruscants l’héroïcité des petits notables injustement boudés.
La couturière : primo, un imparable silence asphyxie les borborygmes de l’histoire ; l’ennui et l’atrabile néantisent la parodie des oaristys ; les croyances courroucées hoquettent avant l’effondrement ; les échoppes achoppent et les créanciers euthanasient ; l’étuve climatique lyophilise l’ardeur des susceptibilités et des ambitions ; trop aporétique, le présent cesse d’être conjugué ; homo sapiens est rétrogradé in extremis en bonobo polyvalent ; le psittacisme des réseaux sociaux conquiert le bruit de fond de l’univers ; ultimo, les nouveau-nés sont remerciés pour cette suprême expérience de pensée.
Trafics dans la cité : une invasion de dyslexiques épand sortilèges et idiomes vernaculaires ; une assemblée de solipsistes se découvre de nouveaux liens de sang lors d’un ravissement général ; un gueux, nourri de restes et de rutabagas, vitupère l’oligarchie sardanapalesque ; l’hilarité des maîtres répond à l’irascibilité des démunis ; un vieillard cacochyme, à tête d’ascète, réclame d’être achevé, jette l’anathème, et grogne pour lui-même : « Je est une croyance ! » Des fétichistes autarciques objurguent la jeunesse de se conformer à la pertinence d’anciens empans prosodiques ; le recyclage des rengaines fait courir le délai de forclusion.
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D’après plusieurs histoires vraies : un prolétariat numérique caresse l’ego dans le sens du poil, et s’emploie à une diversion intactile et anacréontique ; une brigade d’enfants sanglote sur le portrait jauni d’une forêt primaire, et maudit une parentèle consanguine et inconséquente ; une nuée d’algorithmes implémente une heuristique permissive dans un échantillon cytologique ; le dernier d’une lignée de doctes, décante sur un grabat, incognito il emporte avec lui le secret du rasoir d’Ockham ; une mère inconditionnelle, à la circonférence butyreuse, interroge le fils prodigue : « C’est à cette heure que t’arrives ? » Sic.
Sur les gradins : un couple, ( de quoi ?), cerné, diagnostique l’incomplétude des mythes, & les nerfs claquent au vent ; la convergence des chemins olfactifs guide les béotiens vers d’inhabituels exercices de prospectives, & chaque premier de la classe reçoit une panoplie d’abeille diabétique ; dans les têtes, un bousier, Sisyphe coprophage, pousse opiniâtrement la pelote vers un lieu, soustrait à l’indiscrétion, où un forcené grave sur le dos de la main, à coup de canif : « Sandrine je t’aime ! » La disputatio & la lectio perlent sur la fontanelle spongieuse du prodige ; descendance éclairée, les latinistes tentent la chance dès le berceau.
Dominer l’asphalte : l’ethnie conquérante des quatre roues motrices impose la hauteur de vue ; des ondes de graisse ruissellent sur la poitrine du maître des parkings, & l’inénarrable parvenu fête, d’1,2,3 coups d’accélération, le non-évènement sidéral de la présence au monde ; d’aucuns spéculent sur la famine, ou prospèrent dans l’importation des boules à neige ; tous du siècle reçoivent l’onction, tous abolissent la mansuétude ; l’aveulissement dispendieux, comme credo et posologie, compense l’inavouable infirmité des poux du goudron ; la loufoquerie condamne les herméneutes tantôt à la honte tantôt à l’exil.
Au plus vite : ergoter sur le nuancier pourpre des éradications d’espèces, & publier le récit des viatiques dérisoires ; héler la transhumance des virgules : « Allez hue ! » & bénir le débarquement des innocuités pastorales ; établir le catalogue des refoulements, & des champs lexicaux sous-jacents ; instaurer une année sabbatique pour l’euphorie, la zététique & la syntaxe débridée ; opiner à l’indolence invasive des chats domestiques, avatars des résistances latentes & fourbes instigateurs de séditions ; magnifier les sous-bois après l’ondée d’été et l’exhalation narcoleptique des humus ; souscrire à l’appel des cabanes.
En catimini : scruter la lenteur infuse des caravanes de satellites, et identifier une mauvaise volonté quasi végétale dans le tréfonds des machines ; échanger un sac de mots élitaires contre un tombereau de proscrits, et uriner sur la verticale des frontières ; entendre, encore et sans cesse, une cantate de Bach, et ne pas céder à : « L’humanité, c’est fait ! » Couronner de saucisses la revanche des prédateurs, et lénifier le penchant des têtes fauves pour l’acrimonie ; rechercher l’invariant des rusticités dans l’affolement des corps, & intercéder auprès du souvenir d’Iphigénie, pour les camarades retenus en mer, par d’incongrus alibis.
Faire des gammes c’est : pérégriner de sédiments industriels en panoramas gélatineux, & de bocages infertiles en fêlures diffuses ; ozoniser les miasmes méphitiques des boulevards périphériques, & se départir des foucades misonéistes pour obvier à la trivialité ; épeler à voix haute des abécédaires parcheminés, & recouvrer la liberté de ton des choses désuètes & vétustes ; esbaudir les auditoires rancuniers, & convier les plus ardents à faire bombance de phrases & d’improbités ; garrotter la véhémence des chantres brévilignes, & décrier, chez les ménages trop favorisés, la sempiternelle propension à théoriser.
La prochaine fois : cadastrer le renouvellement continu du continent des errances, & juguler la joliesse mâtinée des magnanimités de bon aloi ; mamelonner d’inédites géométries sur des papiers amoureux, & praliner des sonorités en vogue dans un nid mouillé de voyelles ; révoquer l’anachorète à casquette, trop raffiné, trop tape-à-l’œil, & collecter, pour les générations futures, les rires en commun ; soubresauter, parfois, à l’ombre des immunités de l’apagogie, & ressasser avec effroi : « L’art n’a pas encore commencé ! » Obliquer dans les coulisses d’un opéra-bouffe, des points lumineux dans les yeux.
Mise à jour : musarder d’une catégorie l’autre, et permuter, au hasard des incartades, les espèces endémiques ; outrepasser l’évidence civilisationnelle, et se fourvoyer consciemment ; octroyer à qui de droit l’agrément ad hoc, et chromatiser les bannissements imaginaires ; articuler soigneusement : « C’est en vain qu’au Parnasse un téméraire auteur » & pendiller les bras ballants, dans la grande atonie subséquente à l’extension des référents intemporels ; dresser la nomenclature des reptations, filles des couardises et des circonvolutions nerveuses, et fredonner, entre les dents, la vénérable liste des règles générales.
Faire avec : le maintien des collations friandes, & le pastiche de la peinture flamande ; la petite machine impérative des raisonneurs populaires, & le butin d’ulcérations bradé sur les étals de la cité ; la canine toxique des pourfendeurs de gravités magistrales, & l’occultation de la population sélénienne ; l’érection des poils de bras lors d’un passage sous les caténaires, & la pieuvre adultérine des relations chimiques ; la pavane océanique des gyres, & l’indigence du consommateur cyclothymique ; la flavescence des albums de famille, & l’imposture des vulgarisateurs d’identités ; la férule du plus grand nombre.
Entre les lignes : un bastion d’insurgés clame à tue-tête son refus de céder, & grimace un faux compliment à l’intention des téléspectateurs ; chez les guerriers, la litote est de mise ; c’est un monde de renoncements et de courbatures bardées d’échardes ; ici, seule la trace du tumulte survit, seule l’opalescence des puissances tutélaires papillote encore dans la pénombre & l’oubli ; d’aucuns, par dépit, énumèrent une pluie de bombes, comme d’autres les lieux communs, mais tous se retiennent de tonitruer : « Laissez-nous finir la partie ! » Au firmament magnétique, un beau joueur badine avec le salut, & électrise un public d’aérolithes.
À présent : un artiste distingué repeint le gazon synthétique, & un compère, allègre, méthanise de vieux paletots, pour quelques billets de monnaie locale ; un randonneur, au regard concupiscent, soliloque sur un chemin de halage ; ainsi va de la vie du fleuve ; l’affidé somnole au soleil en attendant sa proie : « Ce n’est pas sorcier, le style ! » Tous ont un goût de pergélisol dans la bouche : « On vous a prévenus ! » Un cirque itinérant incarne, une fois encore : « Tabous & chienlit ! » Il n’y a plus d’assistance, elle est ravie ; à l’ombre des bâches, un reste d’humanité profite d’une dilatation des pupilles : « Quelle heure est-il ? »